Je suis dans la salle d'examen, la même qu'au premier semestre, celle avec le plafond vertigineusement écrasant, celle trop vaste pour être chauffée, ce qui me faisait claquer des dents après chaque épreuve -ou était ce le contrecoup ?-, mais là j'ai pas froid, j'ai pas chaud non plus, en fait j'y pense pas je cherche ma calculette.
Je n'ai pas ma calculette.
Je n'ai pas cette p1 de calculette (oui j'ai remplacé péripatéticienne par p1 dans mon langage, ça marche très bien aussi et c'est moins vulgos).
Je n'arrive pas à y croire. Là j'ai mon épreuve de biophysique, là maintenant, tout de suite.
Et je N'AI PAS CETTE CALCULETTE.
Après avoir supplié les profs de me laisser utiliser la calculette de terminale que j'ai par miracle retrouvée dans mon sac, et m'être fait envoyé paître (on n'a le droit qu'aux minables petites calculettes de collège, par peur des tricheries ou des inégalités), je suis au bord de la crise de nerfs, de larmes.
Je vais foirer mon épreuve et mon concours pour ça.
J'arrive pas à y croire.
C'est à cet instant précis que je me réveille, il est quatre heures du matin, je suis en sueur, et je marmonne entre mes dents Naaaaaaaaaan pitié pas la calculettttteeeee.
***
Je suis derrière Corto, qu'on surnomme ainsi avec une amie parce que c'est un poseur qui se fait un look à la corto maltese (la casquette de marin en moins, mais avec la boucle d'oreille, les pattes, et puis la sacoche et la veste en cuir en plus).
Corto a la class', l'aisance naturelle des gens à l'aise en société, Corto est un doublant sympa, qui avait eut le cran de prendre le micro pour s'opposer à un chahut qui menaçait un cour d'annulation.
Corto s'assume, parce qu'il le vaut bien.
Je marche donc à quelques mêtres derrière lui, vers ma gare Rer, qui manifestement, est aussi la sienne. J'ai mon walkman dans les oreilles, j'essaie de ne penser ni à mon boulot, ni au concours.
Une tâche rouge s'étale sur ma main, quelque chose coule, je porte la main au visage, j'ai dans la bouche un goût métallique, ça y est, je saigne du nez.
Je compresse, ça veut pas s'arrêter, j'ai pas de mouchoirs, ça me dégouline sur les doigts, c'est dégeulasse - ya pas d'autre mot-.
En désespoir de cause, je rattrape corto, pour lui demander un mouchoir, il a un regard hésitant mais très bleu, il sort un paquet, me le tend Sers toi, je tends une main ensanglantée, me ravise J'vais tout te salir.
Il extrait quelques mouchoirs du paquet, me les tend avec un sourire, m'assure qu'il va chercher dans son sac quelque chose qu'il a de super efficace contre les saignements de nez. Il fouille, sort un tube de dentifrice, ne trouve pas ce qu'il cherche, s'excuse.
Le mouchoir s'imbibe peu à peu, je manque un peu d'air à force de comprimer mon nez, je bafouille quelques mots de remerciement avec une voix de canard qui s'est mangé un bateau dans le bec.
Mes doigts sont toujours rouges. Je ne me suis jamais sentie aussi sexy comme disait P avec ironie.
Des filles qui, de loin, m'avaient regardé l'aborder, me dépassent, me scrutent avec animosité, et sont soudain hilares.
je ferme les yeux, me disant que c'est le moment où jamais de me réveiller (ou de me liquéfier sur place).
Une chanson en remplace une autre dans le creux de mes oreilles, me signifiant que tout cela était bien réel, que je n'étais pas dans une variante des cauchemards classiques type "à poil dans la cafèt", qui se serait intitulé "j'ai une gueule de déterrée et j'saigne du nez comme une merde, devant témoins embarassants".
J'aime ma vie.
Commentaires :
Re: Relativisons.
(bon ok, ya des questions de cours aussi, mais elles sont super vaches ><)
rho dis donc
je vois que je n'ai pas le monopole des situations foireuses et de la faute a pas d'chance
Re: rho dis donc
oui, je m'en voudrai de te laisser ce privilège. Parce que c'est le genre de truc qu'il faut vivre soi même. Intensément.
castor
Relativisons.