Il faudra bien un jour que j'apprenne à me comprendre.

Il faudra bien un jour que je vainque mon agacement devant ceux qui ressemblent à Ae. Ae parle sans arrêt, elle commente, dissèque, argumente, prévoit, rêve, le tout à voix haute. Parler pour ne rien dire... Sur le siège voisin du sien, bercée par le roulis du rer, le regard dans le vague du paysage, je marmonne quelques réponses. Tu es bien silencieuse ! J'ai même pas envie de lui répondre, elle m'ennuie, elle me fatigue.  Je pourrais lui raconter des choses sur moi, lui expliquer, je pourrais même lui dire "j'aime bien le calme", mais si je le faisais, je pourrais compter sur elle pour me le ressortir dans un grand éclat de rire, ou sans le rire, mais exagéré et amplifié, et cela me fatigue d'avance.
Elle a remarqué que je me dégage quand elle saisit mon bras ou aplatit des épis dans mes cheveux, et m'appelle parfois la sauvage, ou Miss no contact physik.
Un jour où j'avais parlé à ma mère de mon intérêt pour les tableaux de Soulages (entre autres), elle m'avait répondu J'en étais sûre, ça ne m'étonne pas, venant de ta part, tu es depuis toujours très contemplative, (je ne retrouve plus ses mots, mais c'était l'idée). De fait, j'ai souvent été en retrait. De fait, certaines choses -certaines personnes- m'ennuient, et je m'en dégage. Certaines situations me mettent mal à l'aise.
Ae fait partie des personnes qui m'agacent, à trop grosses doses.
Pourquoi ce rejet de ma part, pourquoi cette difficulté à tolérer son babil ? Elle n'est pas méchante, elle n'est pas intolérante, mais putain qu'est ce qu'elle est chiante.
Bravo Villys. Tu es douée en relations humaines, ton humanité ira loin. 

J'ai vu Se souvenir des jolies choses, et il m'a boulversée. En larmes, et incapable de dégager exactement pourquoi. Un film qui donne à la fois envie de rire et pleurer. Pourquoi m'a t il autant touché ? Parce qu'il touche à nos terreurs intimes, la perte de soi, de ses souvenirs, l'isolement progressif, l'être qui s'efface peu à peu, qui est là, mais sans plus jamais l'être ? Je ne sais pas. Si quelqu'un était venu me parler du film, à cet instant, je l'aurais envoyé paître, je n'aurais pas voulu lui en parler, comme si... comme si cela aller écorner mon émotion, mes impressions sur le film.
Il est beau ton chemin vers les autres Villys. Tu t'isoles peut être plus que tu ne le crois

Ma mère me donne son avis sur ma coupe de cheveux ou mes habits, et ça m'emmerde. Je lui dis que je ne tiens pas à ce que l'on me dissèque ou qu'on me donne un avis sur moi, que je n'en n'ai rien à secouer, oui mais tu peux comprendre qu'on aie envie de te le dire ? Ben non. Ma famille (ultra nombreuse), m'a peut être trop disséquée, trop comparée à mes cousins, mes faits et gestes ont peut être été trop commentés par notre microcosme familial, pour que j'ai encore envie qu'on me le fasse. -Laissez moi vivre-.

Mais c'est trop facile de ma part de brandir cela en guise d'excuse. Je ne vivrai jamais hors du monde. Il faudra bien que je me comprenne et que je me maîtrise, il faudra bien que je m'ouvre aux autres -et il n'est plus question d'Ae seulement- si je ne veux pas m'asphyxier. Il faudra bien que j'accepte qu'on me regarde, qu'on me parle, au de là des banalités.
Il faudra bien que j'accepte d'être atteinte.
Sinon, où seront mes jolies choses ?