Je sais pas pourquoi on s'entête à appeler "apprendre par coeur" quelque chose d'aussi laid que le morne ressassement des propriétés d'une bactérie, dans l'espoir qu'elles finissent par s'inscrire quelque part en nous.

Je connais par coeur mes amis, mes proches, ceux qui me touchent. Je connais leur démarche, leur tics, leurs mimiques inconscientes. Je n'ai pas eu à l'apprendre, ce n'est pas volontaire, et certainement pas morne, mais c'est bien là, ce pincement intime dans mon regard, qui m'aide à les trouver, qui m'aide à échanger. Cette certitude quelque part entre gorge et estomac. Vous m'êtes essentiels, et vous êtes en moi.

Tout à l'heure dans le RER, j'avais le coeur plein de F et de Plin, et à côté de moi un très joli inconnu que je regardais dans le reflet de la vitre. J'ai croisé son regard une fois ou deux par dessus les bras de nos voisins -RER bondé du vendredi soir oblige-, et lorsque le wagon s'est vidé des trois quarts des importuns, j'ai pudiquement enfoui mes yeux dans mon portable, vive les textos imaginaires. Je l'ai rangé et ai contemplé ma main tachetée (TP et colorations de bactéries par une sous douée oblige), frotté sans espoir mes doigts bleus. Il a sorti une feuille de son sac et me l'a proposée pour essuyer mes mains, je l'ai remercié tout en lui expliquant que c'était sans doute sans espoir. Et déjà, déjà, les portes s'ouvraient sur ma station, je suis sortie en balbutiant un merci et un sourire.
En montant dans la voiture de ma mère venue me chercher, mon coeur battait encore.

Ridicule mais c'est ainsi..

D'impression en impressions, je vis par coeur.