Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
un mur à berlin
"etadéjàdisséqué ?" Maintenant, oui.

En sortant le soir, les images peinent  à quitter mon esprit, je prends le métro pour aller me balader plus loin, dans paris, aller au ciné, avant de rentrer, seule, chez moi. J'ai alors l'impression que l'odeur de mort, ce shoot de charogne et d'eucalyptus (la second venant d'un produit qu'on se colle sous le nez pour moins sentir la première), m'imprègne jusqu'aux os.
Les images sont là, pas loin derrière la rétine, des rémanences de mort et de cadavre, je croise un regard, et je revois des orbites vides, la peau trop tendue, je vois les corps sans vie. Je vois des épaules des bras ou des mains ouverts, j'ai cette impression de stupide de décalage surréaliste, j'ai acquis une connaissance violente et intime qui dépasse la foule anonyme et chic que je croise, j'avais les mains à l'intérieur d'un corps mort, enfreingnant la logique et quelques interdits ancestraux, qui expliquent l'attitude entre horreur et fascination qu'ont ceux qui nous posent la question servant de titre à ce post. 
En sortant j'aimerais vomir un flot de paroles libératrices, mais, soyons sérieux, qui souhaite les entendre ?
Les autres étudiants savent déjà et chacun désarmorce à sa façon, et les autres, tous les extérieurs, ne m'ont rien demandé.
Alors je garde et je verrouille, le sentiment idiot d'exclusivité en étant la conséquence.

Si l'on se concentre suffisamment, on peut rester focalisé sur la partie ouverte, s'intéresser à une articulation ou un muscle, voir l'insertion du tendon.
Mais mon regard finit toujours par dévier, et je vois la marque du soutien gorge qui persiste sur la peau, des tâches de rousseur devenues grises que l'on devine encore, les cheveux colorés mais blancs aux racines, un dentier encore en place. Des vestiges poignants de l'humain qu'ils étaient, une telle a un tatouage sur l'épaule, elle a donc vécu et aimé.
A., c'est le nom que nous avons attribué au mien (du moins notre, nous sommes à plusieurs), ressemble à une momie, il est plus déshumanisé que les autres et ça rend le travail un peu plus facile. Mais quand mon regard balaie la salle ou le regarde avec plus d'attention, l'humain revient toujours.

Hier soir, penchée sur une main, j'avais du mal, plus de mal que je n'en n'avais eu jusqu'à présent, en quatre séances, à me persuader d'entailler la peau, [... je viens d'enlever un passage, déformation estudantine, j'ai déjà du mal à séparer le glauque tolérable de l'insupportable, donc je vous l'épargne...].
La main a quelque chose de trop irréductiblement humain pour que je parvienne à oublier ce que j'étais en train de faire.
Assise sur mon tabouret, penchée, j'ai pris une profonde inspiration (erreur fatale en ces lieux, soit dit au passage) et j'ai finit par appliquer le scalpel en me répêtant que j'étais une grande fille, pour chasser le dégoût. Une fois ouvert ça allait un peu mieux, et puis de nouveau, un frisson entre horreur et fascination, on tirait sur les tendons, et au bout de nos doigts, les siens bougeaient dans nos mains.

Nous étions penchés et appliqués, n'en menant pas large. J'ai relevé la tête, pour mieux regarder autour de moi, oublier un peu et l'étrangeté de la scène m'a frappée, l'alignement des tables, les quelques cadavres aux mains indisséquables restant couverts de draps bleu et les autres la peau ouverte et pendante, des silhouettes bleues et juvéniles penchées au dessus.
Le voyage au ski avait laissé des vestiges sur les visages, et la bonne mine bronzée, les tenues impeccables de certaines que l'on pouvait deviner sous les casaques, nos quelques éclats de rire et discussions qui retentissaient parfois basculaient la salle dans le suréalisme.

F était appliqué, c'était à lui de tenir le scalpel et d'y aller, je sentais ses genoux contre les miens, l'odeur de chlore qui émanait de ses cheveux, il était là, pas loin et vivant, et cet instant avait quelque chose d'inexplicablement terrifiant et intime.

La nuit, je ne rêve pas de visions de film d'horreur, ma méthode de vidage de crâne doit être efficace, mais mes rêves sont violents et embrouillés. Un simulacre de meurtre un éclat de violence, je me réveille, et c'est là, pas loin.

Ecrit par Villys, le Samedi 25 Mars 2006, 14:10 dans la rubrique "Cercle pour rien".

Commentaires :

Chloé
25-03-06 à 19:07

et dire que nous, on se plaignait de bricoler l'intestin d'une souris..


(Au passage, je suis *rmith, j'étais dans tes liens avant.. Comme ça tu as mon nouveau chez moi :))

 
kaekae
26-03-06 à 19:34

Cela dit pour les extérieurs ce n'est pas toujours facile : j'ai une amie en 2ème année et on pose parfois quelques questions parce que ça ne doit pas être facile - notamment quand justement elle a dû disséquer.
Ensuite, il faut faire attention : ce ne doit pas être évident de se faire plaindre, et puis on n'est pas là que pour faire éclater les angoisses, on veut aussi des rires. Et puis, c'est bête, mais quand elle parle de la graisse qu'il faut enlever pendant des heures pour arriver au muscle, je n'ai aucune idée de ce dont elle parle.

 
Villys
Villys
31-03-06 à 12:18

Re:

oui, je n'ai jamais dit le contraire, j'ai bien conscience que les amis extérieurs n'ont pas le beau rôle non plus (disons pas le rôle facile).

¨Parfois on a envie de parler de mort, d'un truc moche et injuste qu'on a vu en stage,et faut faire attention à pas charger les autres de ses propres angoisses. Mais on a aussi les anecdotes bizarres, les beaux moments aussi.

Les amis sont là pour ça, mais pas trop, ils sont là pour être écoutés eux aussi.. d'où finalement les trucs qu'on garde pour soi, mais c'est une fatalité, de toute manière on le savait qu'on y serait confrontés, c'est un choix... Je ne demandais pas qu'on me plaigne, je constatais.


 
Madig
Madig
14-04-06 à 19:52

Brrrr...
C'est bon, je n'ai plus besoin de film d'horreur ce soir. ;)