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un mur à berlin
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Voilà, je suis revenue depuis un peu plus d'une semaine maintenant, et j'ai à peu près finit de me réadapter. Ça doit faire vaguement sourire, et laisser vaguement sceptique, vu de l'extérieur ces histoires de réadaptation... Se réadapter à un monde que l'on retrouve inchangé ? a un quotidien qui est sien depuis toujours ? Et pourtant, oui, oui, car si les cadres n'ont pas changé, mon regard a évolué, et tout semble différent.

Le corps s'habitue, à la chaleur, aux bruits, à évoluer dans des foules ou à louvoyer dans la circulation des rues Indiennes. Et de retour en France...
La première nuit, le silence m'a frappé. Mais vraiment. Depuis six semaines je m'endormais sous le ronronnement (plus ou moins discret) des moteurs de ventilos, avec la rumeur de la rue au loin, les bruits des voisins de l'immeuble ou des hôtels, les ratés d'un moteur,€ les pétards ou les éclats de musique d'un festival, au loin... Un bruit continuel, fluctuant, parfois incertain, avant d'enfler de nouveau, mais toujours, toujours présent. Et là, dans ma petite banlieue, j'ai éteint la lumière et... et rien... un silence vraiment absolu, pas même le ronronnement de l'ascenseur que je connais par coeur. Rien.
La couette elle même, pourtant fine, me semblait énorme Mais, vous avez remis ma couette d'hiver ? Non... non, mais après six semaines à dormir dans un courant d'air, sans draps pour fuir la chaleur...

Et puis les rues sont calmes, lorsque je regarde les voitures évoluer, j'ai la vague impression d'avoir les oreilles bouchées. Lorsque je vois des hommes discuter dos à moi sur un quai de gare ou sur le bord d'une route, depuis un bus ou un train, il faut réapprendre à chasser la vague répugnance qui montait en moi à chaque fois, là bas, que je voyais des hommes se soulager littéralement partout. Non, ici ils discutent.

Puis c'est froid et c'est gris, ici, dans les trains les femmes ne parlent pas entre elles, et les Saris, si beaux sont remplacés par les jeans et les pulls. Les troncs d'arbre ont fait une cure minceur, la terre n'est plus rouge, et les singes ne sont qu'au zoo.

Voilà, retour en France, les sensations perturbées mais qui, déjà, se réhabituent, même si je n'oublierai pas, si je n'oublierai jamais, la beauté des paysages, et la pauvreté, un gamin endormi sur un coin de trottoir, des lépreux qui me tendaient leurs moignons, la misère omniprésente...

J'ai été frustrée, là bas, au bidon-ville de ne pouvoir en faire assez, l'impuissance, le manque de savoir et de moyens. Ça m'a frustrée et un peu déçue, mais au final cette expérience m'aura été plus que profitable. Je mûris et j'évolue. Ça m'a permis de prendre du recul, de remettre en question nos actions et mes croyances, de les confronter à l'amertume des filles parties avec moi. Je ne sais pas où elles en sont, mais je sais déjà que, dans un an ou dans dix ans, je repartirai. Mais différemment, et mieux. Si je repars l'année prochaine, j'irai ailleurs, au sein d'une structure pré établie, avec de vrais pros qui auraient besoin de petites mains. Peut être me fais je des illusions et l'été prochain sera stérile car je ne pourrai aller nulle part. Mais je repartirai, c'est une certitude.

J'ai repris les cours, replongé dans mon univers désormais familier. Troisième année, déjà. Et un confort relatif, une connaissance des locaux, des profs et du rythme de travail à avoir, assez appréciables. La nouvelle promo des deuxièmes années a été intégrée. Des amis sont passés et d'autres sont définitivement sur le carreau... Mes cours sont plus intéressants que ceux de la rentrée d'il y a un an. C'est dur, mais c'est bien. Je regarde les néo-externes, un peu assommés par leur rentrée. Pas pressée personnellement, mon irresponsabilité relative me va très bien pour cette année encore.

Un de mes cousins se brûle les ailes en ce moment. Il a quelques mois de moins que moi, et ça ne va pas, ça ne va plus. Il est parti, loin, il délire, beaucoup, il se drogue, sans doute, il est malade, psy, sûrement. Sa mère est partie le chercher, un oncle l'accompagne. Le chemin de croix pour lui, pour nous, commence. Il allait mal, mais comment en est on arrivés là ? Comment, pourquoi un tel naufrage ? Je regarde nos photos d'enfants, ou la photo d'il y a à peine un an, l'anniversaire de ma grand mère. Tous réunis, tous souriants, tous les cousins ensemble, les petits derniers collégiens, et les plus grands en plein envol. Lui cafouillait déjà, mais là, avant les vacances, tout semblait réglé... Et puis... je regarde les photos, les yeux et les sourires, mais c'est complètement stérile, les réponses ne sont pas là. Lorsque je le reverrais, ce sera, peut être, dans un hôpital, ou chez lui, mais tout sera différent, sa fracture sera là à ciel ouvert, et notre aveuglement...
Je suis perdue, je crois qu'on est tous perdus. C'est une histoire sordide, de celles qui n'arrivent qu'aux autres, et puis là on est dedans. Je ne peux rien faire, là, maintenant. Je n'ai qu'à attendre qu'on le retrouve et qu'on le ramène en France, le moins mal possible. Qu'à espérer qu'on puisse l'aider, mon cousin aux yeux gris fumée, aux airs hésitants, mon cousin... 

(tout ça est bordélique et embrouillé, mais je le suis)

Ecrit par Villys, le Samedi 8 Octobre 2005, 11:23 dans la rubrique "Cercle pour rien".