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un mur à berlin
Magicien du quotidien

Cours annulé, hier après midi, évidemment LE jour où je dois rester à la fac jusqu'à dix huit heures, à cause d'une option prévue après. Sinon, c'est pas drôle.
Je m'affale à la bibliothèque, tente de travailler, recrache quelques formules de mon cours de biochimie, et j'en ai soudain marre, je ne me vois pas travailler comme ça quatre heures d'affilée. J'ai un brusque et violent sentiment de mal être comme j'en ai parfois. J'étouffe. Alors je sors, marche sans réfléchir jusqu'au métro, direction Paris.
Je m'arrête à Châtelet, remonte vers l'île de la Cité, traverse la seine sur le Pont au Change. En face de moi, un bâtiment [le tribunal de Grande Instance ?] qu'à moitié ravalé, la façade, moitié blanche moitié noire me fait un clin d'oeil.

Je fixe les gens qui marchent en sens inverse. La plupart ont le regard lointain, inaccessible, réflexe de citadin. Et puis arrive un homme, la cinquantaine, mince et nerveux, tentant d'accrocher le regard des gens, lui aussi, et on se retrouve face à face. Amusée, je lui souris. Il m'arrête, hey Mademoiselle, vous aimez la poésie ? vaguement intriguée -il n'a pas le profil du gros lourd-, je réponds, euh oui. "Ah je le savais, je l'ai vu dans vos yeux. Allez, qui aimez vous ?". Je lui parle de Vian, qu'il connaît mal, de Rimbaud. Aaah, Rimbaud, moi aussi, mais quels poèmes de Rimbaud mademoiselle ? Je lui répond Le dormeur du Val, et puis, celui dont le titre m'échappe... vous savez monsieur, Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, picoté par les blés, fouler l'herbe menue... "Sensations !"
Alors, ravi, il extrait son portefeuille de sa poche "vous allez voir quelque chose, c'est une première dans l'histoire de l'humanité, vous allez voir, c'est merveilleux, je ne vous raconte pas d'histoires !". Je suis de plus en plus amusée, il me fait terriblement penser à Begnigni. Je sens un sourire immense monter à l'assaut de mon visage. Il brandit soudain une feuille annonçant le programme d'un récital de poésie qu'il donnait, et les deux d'Arthur Rimbaud qu'il donnait... Sensations et Le Dormeur du Val. Rien de tellement étonnant, puisqu'il s'agit sans doute des plus connus et des plus demandés, mais j'éclate de rire, ravie.. "vous voyez, je ne vous avait pas menti, mademoiselle !"

Alors on reste, là, au milieu du pont, dévisagés par les passants, nous parlons de poésie, il m'explique pourquoi il a cessé de donner ces récitals, une des raisons étant les gens cherchant absolument à le piéger, lui demandant un poème de la liste, sûrs qu'il ne saurait jamais le produire, et presque ouvertement déçus de le voir réussir. Je m'étonne, je m'indigne en riant, il répète encore "mais vous, vous seriez un bon public, mademoiselle, vous aimez la poésie".
Au bout de cinq minutes, après avoir échangé de nouveau quelques vers, nous nous séparons sur une chaleureuse poignée de main, et des remerciements mutuels.

Je repars avec un immense sourire qui met une heure à s'effacer de mon visage, mais qui n'est toujours pas dissipé en moi.

Ce type, (dont je ne sais même pas le nom), est un magicien du quotidien, de ceux qui s'ouvrent aux autres comme il respire, et il m'a illuminé mon après midi.

En revenant de la fac, dans le RER, face à moi, une jeune fille, le regard perdu. Son portable sonne, elle regarde le message qui s'y affiche, sourit. Elle relève la tête, un sourire lumineux a envahi son visage, elle tente de le réprimer, se mord les joues, mais c'est une bataille qu'elle finit par laisser tomber. Je la contemple dans le reflet de la vitre.
La magie est partout.

Ecrit par Villys, le Jeudi 18 Novembre 2004, 19:45 dans la rubrique "Cercle de bonheur".

Commentaires :

Ysis
Ysis
19-11-04 à 19:30

C'est joli ce que tu écris...

 
pas-pareil
pas-pareil
27-11-04 à 10:46

J'adore ce genre de journée.. (J'aimerais bien tomber sur le monsieur-Rimbaud aussi un jour)