Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
un mur à berlin
violence ordinaire

Quand ma tête a heurté le bitume, au milieu des trente six chandelles que je voyais, j’ai eu le temps de me faire la réflexion que, somme toute, ce casque de vélo était une bonne idée.

Le coup de poing m’avait prise au dépourvu, cueillie en plein vol dans mon réflexe avorté de fuite. Mon cerveau n’avait su que voir les images, ce type furibard face à moi, et n’avait pas eu le temps de les analyser, n’avait pas su faire le lien entre l’amplitude du mouvement de la main gauche du type et ce qui allait s’en suivre, le choc latéral, l’œil douloureux, la perte d’équilibre, la chute sur le trottoir.

J’ai parfois lu que l’adrénaline donnait une vision claire et précise des choses, tous les sens en éveil, vous savez, l’instinct de survie, qui passe par la fuite, lorsque l’on est dans la situation du plus faible.

 Mais voilà, rien de tout ça dans ce souvenir un peu brouillé par la nuit, le physique de ce type  me revient vaguement mais sans plus, je me souviens des paroles échangées sans pouvoir jurer de leur chronologie exacte.

Le lendemain au poste de police, en récitant la plaque d’immatriculation, notée sur un papier et apprise par cœur, je me suis rendue compte que l’essentiel m’avait échappé, que la marque de la voiture n’était pas accessible à ma conscience, ni même sa couleur. J’ai du admettre que non, je serai incapable d’identifier formellement le type si l’on me présentait 500 ou 1000 photos en noir et blanc. Que, oui, sans hésiter, je le reconnaîtrais si je le voyais en chair et os, et même s’il se rasait la barbe, mais rien de plus. J’ai répondu que la voiture était sombre, sans doute, parce que ce c’est la première chose qui me venait à l’esprit, mais peut être ne l’était elle pas. Il faisait nuit alors, 23h30 passées, et dans ce souvenir une seule couleur m’a frappée, la blancheur de leurs djellabas. Ensuite le sentiment de surprise totale lors du choc –juste avant que vienne la douleur-, et ce casque entre ma tête et l’angle du trottoir, qui a limité les dégâts.

J’ai récité le déroulement de l’incident, incapable de formuler ce qu’au fond il était vraiment pour moi. Les faits, dans la lumière crue d’un poste de police sont probablement d’une effarante banalité, mon inconscience éclate cruellement, et aussi ce qui est dur à admettre, si ce soir là je n’avais été moi-même si tendue, les choses seraient elles allées jusque là ? et cette autre pensée, que je mets à distance, car elle relève du et si, du fantasme, de l’invérifiable, car elle est n’est peut être là que pour jouer à se faire peur et si cela avait eu lieu ailleurs que devant ces snacks encore ouverts, et si quatre personnes n’avaient surgi à ma rescousse ?

L’histoire, à la lumière du jour, est simple, je l’ai dit.

Prenez une externe qui prépare son internat. Elle rentre de conférence à vélo, grêve des transports oblige, et aussi, parce qu’elle ne déteste pas ça, ce léger effort physique pour évacuer l’énervement généré par la conf. Ce soir là elle est à fleur de peau, un peu. La conf était de celles qui vous laissent devant ce naufrage : voilà ce qu’il reste à accomplir, et puis, aussi, ce voisin si ressemblant mais hors d’atteinte, ou presque.

Il pleut, il fait nuit, minuit approche mais la circulation sur cette avenue parisienne demeure suffisamment dangereuse (car justement clairsemée, et faite de voitures roulant vite), pour qu’à vélo on hésite à quitter sa piste cyclable pour y faire un écart. Et pourtant, on va y être obligée, pour la 5 ou 6e fois, par une voiture garée là.

Pourquoi cette fois là et pas une autre, ai-je « tendu mon majeur en l’air » (comme l’a si cliniquement décrit l’agent de police prenant ma déposition) ? toujours est il que ce fut une grossière erreur d’appréciation, je venais de faire ce geste à une voiture emplie de quatre types, qui, à bien y regarder, avaient tout de l’attirail du petit islamiste de banlieue.

Lorsqu’ils m’ont rattrapée en voiture et bloqué sur la piste, je me suis dit que fuir ne servait à rien, que mon geste avait été stupide, alors autant m’en expliquer. A leur « on ne fait pas des gestes comme ça madame, et le respect madame, vous connaissez ? », j’ai répondu, que oui, je connaissais surtout le respect du code de la route, cette chose qui évite aux cyclistes de se décaler de nuit, dans une circulation dangereuse. Peut être alors, quelque part dans ma tête, retentissait un avertissement, mais l’envie de ne pas laisser quatre pauvres types agressifs avoir raison était plus forte. A leur question « mais enfin, vous savez ce que ça veut dire, ce geste ?? », j’ai répondu placidement que « oui, je visualise plutôt bien ». j’ai retenu ce qui me brûlait les lèvres « ah, c’est ça qui vous excite ? que j’aie fait allusion à votre homosexualité refoulée ? », sentant bien que cette phrase serait de trop. La conversation a continué pendant peut être une minute. Je m’accrochais à mon argument, « c’était dangereux », répondais « je dois prendre ça comme une menace ? » à leur « si c’était des jeunes il vous auraient déjà tapée madame », et enchaînais sur « c’est étrange, moi qui n’ai jamais eu de problème avec les jeunes, voilà que j’en ai un avec quatre types en voiture qui s’en prennent à moi en vélo ». j’ai même dû rire à un moment puisque je me souviens d’un « et ça vous fait rire ?? » qui m’avait arraché « ben je vais quand même pas en pleurer ». finalement, n’obtenant pas de moi ce qu’il voulait, le bonhomme gesticulant en face de moi est remonté à sa place (passager avant droit), le passager arrière droit a refermé sa porte, pendant qu’ils me lançaient « c’est ça, allez, partez, ça vaut mieux, parce que sinon… ».

J'avais fini par repartir en vélo, mais un ultime geste d'exaspération m'avait échappé. La voiture a accéléré, une portière a surgi devant moi, me barrant la route, j'ai lâché mon vélo, bondit sur le trottoir, et vous connaissez la suite, le coup de poing.

Je dois une (très) fière chandelle à un motard et trois jeunes qui ont surgit pour m'aider.

On a peu de chances, semble t il de les retrouver. J'ai été au bout des formalités de plainte, je ne peux guère faire plus, si ce n'est attendre.

Est ce mon inconscience qui parle encore ? dans le fond, je ne regrette pas.
Malgré la frayeur à posteriori, les crises de larmes. Malgré l'oeil encore un peu noir, les gens qui me dévisagaient dans la rue.
Je n'arrive pas à me considérer comme en tort d'avoir râlé sur une voiture effectivement mal garée.
Et plus encore, je n'arrive pas à me persuader que je n'aurais pas dû leur tenir tête. Car ce soir là, j'avais l'impression que tout le problème était là, j'étais une jeune femme et je répondais à ces quatres imbéciles. Aurait il fallut que je me taise et que je cautionne leur envie de soumission ?
Ecrit par Villys, le Dimanche 25 Novembre 2007, 00:04 dans la rubrique "Cercle de peine".

Commentaires :

exvag
exvag
25-11-07 à 12:21

En voyant ton nom dans la colonne des derniers posts, je me suis dit vite allons lui dire un "bon retour ! ".

Bon et puis après la lecture de cette aventure que dire sinon.

Tu n'as rien à regretter.

 


 
Alice
29-11-07 à 21:00

Personnellement j'avoue que je trouve que ton geste était un peu déplacé, voire vain... Et je crois aussi que dans cette situation, le silence aurait été plus sage... peu importe la satisfaction qu'ils en auraient tiré. Ca ne vaut sûrement pas grand chose (+ étant donné que l'on ne se connaît pas). Mais c'est ce que je serais amenée à penser, à distance. Après, c'est si difficile souvent de ne pas se laisser réagir spontanément que je n'irai pas jusqu'à prétendre que c'est ce que j'aurais fait ce soir à ta place. Mais juste, j'ai envie de dire que ce "et si cela avait eu lieu ailleurs que devant ces snacks encore ouverts, et si quatre personnes n’avaient surgi à ma rescousse ?" est une question à laquelle je n'aimerais pas te voir confrontée un jour ...


 
Alice
29-11-07 à 21:17

Re:

(Excuse-moi, mon commentaire a quelque chose de terrible... Sans doute cette "violence ordinaire"... qu'il ne faudrait en fait peut-être pas considérer comme telle.)

 
MangakaDine
MangakaDine
20-11-09 à 16:53

Aujourd'hui, où sont donc tes mots?
Ils étaient plutôt percutants, dommage qu'ici il n'y ait plus rien depuis 2 ans....